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Redécouvrir l'incroyable histoire du Lude

Depuis près de cinq années Mme Dauguet, une Ludoise, partage chaque mois une brève d’histoire qui replonge les visiteurs, Touristes et Ludois dans l’incroyable histoire du Lude. Anecdotes personnages historiques, coutumes, patrimoine,… redécouvrez la richesse historique du Lude.

Pour plus d’informations rendez-vous sur les blogs des passionnés de l’histoire Ludoise, Le Lude en images :

Brèves d'histoire Ludoise

Yves Magistri, un curé au temps des guerres de Religion

Yves Magistri

 Nous avons vu dans un numéro précédent, qu’en 1586, trois cloches furent baptisées dans l’église Saint-Vincent du Lude, cloches parrainées par la famille comtale, les Daillon, et acte signé par un des nombreux curés de ce temps, le frère Yves Magistri, qui déclare avoir fait l’office de la bénédiction.

Ce religieux, frère cordelier né à Laval vers 1550, eut une vie mouvementée : son caractère fougueux conjugué à une époque fort troublée en ont fait un personnage hors du commun.

Après les années de formation au couvent de sa ville natale, il vint à Paris, écrivit et fit publier des opuscules religieux, puis alla en Espagne, séjourner dans différents couvents, où il se fit remarquer par ses mœurs fort relâchées, mais on le soumit à la règle, on le dompta. Il reprit son existence vagabonde à travers l’Italie, voyageant à pied et vivant de peu.

Vers 1584/1585, il fut envoyé au Lude par son ordre religieux, le comte souhaitant un homme résolu pour reprendre en main la paroisse ! Nous sommes au temps des guerres de Religion, (la huitième !), les passions se déchainent. Le parti des Guise, la Ligue ultra-catholique s’oppose au roi de France Henri III, les protestants se battent pour le futur Henri IV, et les « politiques » assez indifférents aux querelles religieuses mais las des violences, souhaitent avant tout la paix.

A peine installé, Magistri se révèle un fanatique ligueur, tonnant fort dans ses prêches, menaçant, insultant tour à tour les uns et les autres, tant est si bien qu’il se met à dos toute la paroisse. Par deux fois il est agressé, dont un coup de feu tiré le 4 juillet 1589. Le bailli et les habitants le dénoncent comme prédicateur de guerre civile et portent plainte auprès de l’official (le tribunal ecclésiastique) d’Angers. Il est condamné à deux mois de cachot. Aussitôt libre, nouveau scandale, il outrage en chaire le roi assassiné Henri III, idem pour son successeur Henri IV, il prononce l’oraison funèbre des Guise, déclame contre l’évêque et pousse le peuple à prendre les armes pour la cause de la Ligue ! Deuxième procès, cette fois devant le Parlement qui siège temporairement à Tours, nouvelle condamnation, il est chassé de sa cure et dépossédé de ses biens, meubles et livres qui sont vendus aux enchères. Il est condamné à venir tête nue, en chemise,  la corde au cou, faire amende honorable à Dieu, au roi, au seigneur du Lude, puis à être pendu.

Sans attendre qu’on le prenne, il décampe. On perd sa trace, sauf qu’en 1591, il publie à Douai le plus véhément des pamphlets : « le Réveil-Matin ».

Une galerie devant l'église

église Le Lude

Au cours de sa longue histoire, l’église Saint Vincent du Lude, a connu plusieurs transformations. La tour- clocher construite au milieu et en avant de la façade, a été édifiée dans les années 1854/1855, pour remplacer le clocher d’origine, qui reposait sur les quatre piliers du chœur, et qui s’était écroulé. Cela a complètement modifié l’ensemble. Le nouveau clocher était très haut et il tomba à son tour un jour de grand vent, en 1955, et fut remplacé par celui que l’on connaît, beaucoup plus modeste dans son élévation. Cette tour du XIXe siècle avait remplacé une galerie ou narthex qui avait été aménagée en 1774, un espace couvert, construit sur piliers, qui protégeait de la pluie et du soleil les paroissiens. Pour cette réalisation, on avait dû relever le petit cimetière installé depuis le moyen-âge devant la principale porte, selon l’usage du temps, et transférer les défunts au grand cimetière du Mail.

Les murs qui l’entouraient étaient déjà démolis et il était envisagé de le remplacer par une petite place avec une galerie adossée à l’entrée. Ce qui fut fait.Le 16 septembre 1774, le curé Martineau inscrit dans le registre des baptêmes « la bénédiction de la première pierre servant de fonde-ment à la galerie de cette église paroissiale », il précise que « ladite pierre a été posée sous le premier pilier à main droite en entrant », et qu’une inscription y a été gravée : « numinis in laudem pietas me suscitat urbis, incola dat muros, me tegis, alme comes ». Latin « d’église » bien éloigné du latin classique, si quelqu’un peut traduire ! Cérémonie faite en présence du comte Julien Joseph Duvélaër et des notables de la paroisse.

Manoir, fief et seigneurerie de Rochette à Dissé

Plan Rochette à Dissé

Dans la société d’ancien régime il y avait un grand nombre de petits seigneurs, qui devaient foi et hommage à un seigneur plus important, en ce qui nous concerne le comte du Lude. Le fief est le plus souvent un bien immobilier, terre, vigne, moulin ou autre, qui assure un revenu, tandis que la seigneurie est un ensemble de droits seigneuriaux, principalement des redevances, en argent ou en nature, dues par les personnes habitant le territoire du fief.

En 1622, un acte de dotation nous apprend que René Frézeau, seigneur de la Gannetière (au Lude), de Rochette et Galerne (à Dissé), et de Lublé, et son épouse Charlotte de la Grandière, font « dire et célébrer la sainte messe en leur chapelle qu’ils ont fait bâtir et construire en leur maison noble du dit lieu de Rochette cinq jours de chaque semaine ». Pour perpétuer ces messes, ils dotent la chapelle et donc le chapelain François Charpentier, de droits de dîmes sur leurs métairies et lui cède la maison et terre de Maigrelieu. Les Frézeau habitent leur manoir de Rochette, où René décède le 1er mars 1624, et son épouse un peu plus tard.  Son fils Jacques, puis son petit-fils François y verront naître leurs enfants.

Mais le 4 janvier 1660, François cède le fief de Rochette à Pierre de Broc, seigneur de Broc et Lizardière, pour la somme de 30000 livres. Le lieu de Rochette devient simple métairie.

Ce dernier vend en 1669 sa baronnie à Henri de Daillon, qui ainsi récupère le tout, Broc Lizardière et Rochette, qu’il donnera en douaire à sa seconde épouse Marguerite Louise de Béthune-Sully, à son mariage en 1681. En 1726, la duchesse douairière meurt, la baronnie revient à une descendante des Daillon, Françoise de Roquelaure, puis après elle en 1741, à sa fille Louise Julie de Rohan-Chabot, épouse de Lautrec. Elle décède en 1766.

Quand les fiefs ont-ils été vendus ? En 1759 ils sont encore dans le patrimoine Rohan-Chabot, mais en décembre 1777 ils sont à Jean Baptiste Marie Pihéry de Sivré, seigneur de la Grifferie à Luché. Ils sont encore à lui à la Révolution.

Les trois cloches

Les trois cloches

La coutume de baptiser les cloches parrainées par de riches donateurs est très ancienne, bien avant d’être rendue obligatoire par le pape Jean XIII en 968.

La cloche est un instrument liturgique qui rythme la vie de la communauté paroissiale, annonce les offices, mais aussi un outil de communication, on sonne le tocsin en cas de danger imminent, l’ennemi, l’incendie, l’orage, on sonne l’angélus trois fois par jour, matin, midi et soir, pour rythmer la journée de travail, on sonne le glas pour annoncer le décès d’un paroissien.

Dans les registres paroissiaux du Lude, on trouve à la date du 24 juin 1586, fait assez rare, le baptême simultané de trois cloches : la première a pour parrain, René de Daillon, frère du comte du Lude et abbé des Châteliers en Poitou, et pour marraine sa nièce Anne de Daillon, la cloche est nommée « Renée ». La seconde a pour marraine Louise de Daillon, soeur du précédent, et pour parrain un notable de leur entourage, René Rousseau, elle est nommée « Louise ». La dernière a pour marraine la comtesse du Lude, Jacqueline Motier de Lafayette, veuve du comte Guy de Daillon, non présente mais représentée par sa fille Hélène, le parrain étant René Frézeau de la Gasnetière. Le nom de celle-là a été omis par l’officiant, mais c’est certainement « Jacqueline », personnage le plus important.

La famille Daillon est omniprésente dans cette affaire, inutile de chercher ailleurs les donateurs, la fabrication des cloches est onéreuse. Pourquoi trois cloches d’un seul coup ? 1586, la guerre entre catholiques et protestants est encore très violente, la famille Daillon, proche du roi Henri III, veut marquer les esprits, on dirait aujourd’hui qu’elle a mené une action de communication, pour rallier la population au parti catholique. Une de ces trois cloches est toujours dans l’église, posée au sol, la date de 1586 y est gravée !

Chapelle Notre-Dame de la Miséricorde

Chapelle Notre-Dame de la Miséricorde

Quand René François Fontaine de la Crochinière signe le 27 janvier 1705, l’acte de fondation d’une maison de charité « pour servir d’hôpital et retraite à de pauvres filles orphelines natives de la ville du Lude et de l’élection de La Flèche », il rédige les statuts et règlements pour assurer le fonctionnement de son hospice/orphelinat, aussi bien en ce qui concerne les futures pensionnaires, que le personnel « éducatif », six femmes, pas obligatoirement des religieuses, mais des veuves sans enfant à charge ou des « filles » (célibataires) de bonne conduite et réputation. Une des « maîtresses » fera l’école aux pauvres filles de la paroisse.

 

 

C’est à cette époque qu’il fait construire la chapelle et s’installe dans la petite chambre attenante, où il vit quasiment en ermite, dormant dit-on dans un coffre garni de paille, et se faisant apporter matin et soir un repas de la cuisine de l’orphelinat. La chapelle fut consacrée le 27 juillet 1709.

Sa vie d’ascète ne lui réussit pas, il meurt à 43 ans, le 14 septembre 1713, et est enterré derrière l’autel, qui se trouvait à cette époque près de la porte actuelle. Jusqu’au XIXe siècle, la porte se trouvait à l’ouest, l’autel à l’est (en principe une église est « orientée », c’est-à-dire tournée vers l’orient, on prie en direction de Jérusalem). Cette chapelle a toujours été liée à l’hôpital, à qui elle appartient encore en ce début 2019.

En reconnaissance envers la famille de Talhouët, qui fit des dons importants à l’hôpital au cours du XIXe siècle, les administrateurs leur ont accordé le droit d’en faire le lieu de leur sépulture.

Jean de Daillon, messager du roi

Au Square Chéramy-Deré
Au Square Chéramy-Deré, au Lude, les fresques représentent la grotte dans laquelle s'est réfugié Jean de Daillon pendant 7 ans.

Le 5 janvier 1477, devant Nancy, la bataille entre le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, ennemi juré du roi Louis XI, et René II de Lorraine, du parti du roi, s’achève avec la mort de celui que l’on nomme « le grand-duc d’Occident ». Sa dépouille sera retrouvée à demi dévorée par les loups.

Louis XI réside alors en son château de Plessis-les-Tours, il est impatient de connaitre l’issue de la bataille. Un messager remet le jour même à Georges de La Trémoille, seigneur de Craon, à la frontière de la Lorraine (pas encore française à cette date), une missive adressée au roi, pour lui faire part de la bonne nouvelle.

 

Presque 500 kilomètres séparent Nancy de Tours, que les « chevaucheurs du roi », vont parcourir en 3 jours : le mercredi 8 janvier, dans la nuit, un cavalier arrive au Lude, chez le chambellan Jean de Daillon. Celui-ci s’empresse de prendre le relais, et c’est à l’aube du jeudi 9 janvier que le seigneur du Lude vient « heurter à l’huis du roy », fait exceptionnel de chevaucher de nuit et en hiver. Louis XI exulte, il est enfin débarrassé du duc Charles, beaucoup plus riche et plus puissant que lui.

La chevauchée nocturne n’était pas seulement due au zèle de Daillon vis-à-vis de son souverain : il savait que le roi récompensait largement les porteurs de bonnes nouvelles ; l’année précédente, en juin 1476, celui qui lui avait annoncé la défaite bourguignonne de Morat (dans le Jura suisse) avait été gratifié de 200 marcs d’argent, à 244,5 grammes d’argent le marc, cela fait près de 49 kilos d’argent métal. Il espérait sûrement plus !

C’est dans ces années-là que Louis XI crée le service royal des postes et les relais, de sept lieues en sept lieues, soit environ 28 kilomètres, destinés à fournir des chevaux frais à ses messagers. En 1481, à sa mort, on compte plus de 230 coursiers et chevaucheurs.